Bienvenue aux Borderlines et autres troubles de la personnalité

Le trouble de la personnalité Borderline (état limite) – ou BPD = Borderline Personality Disorder en anglais – est la pathologie de ce début de siècle, après la dépression. C’est un terme peu connu du grand public alors qu’il représente entre 2 et 3% de la population, ce qui en fait une pathologie relativement fréquente et bien connue du milieu psychiatrique. Il fait partie des troubles de la personnalité.

Ce trouble est apparu dans les années 50, ce qui coïncide avec l’essor de la société de consommation et ses méfaits : rupture du tissu social (éclatement géographique des familles, disparition de la vie de quartier), failles du milieu familial et éducatif (divorces, parents « enfants » ou peu disponibles), surexposition aux images, junk-food… Je le considère comme le symptôme d’une société en excès d’individualisme.

Un « borderline » apparait souvent comme « le cas » ingérable dans une entreprise : un côté génial ou séduisant, mais impossible à vivre, au travail comme en couple. Ses sautes d’humeur, son insatisfaction permanente, ses colères, ses « crises » et ses déprimes régulières en font quelqu’un de très difficile à vivre au quotidien. C’est un enfant dans un corps d’adulte, qui a une peine extrême à gérer ses émotions. C’est avant tout, comme le définit Jeffrey Young, un enfant vulnérable.

« Ils peuvent avoir l’apparence des adultes, mais, sur le plan psychologique, ce sont des enfants abandonnés à la recherche de leurs parents. Leur comportement est inadapté parce qu’ils sont désespérés, et non pas parce qu’ils sont égoïstes. Ils font ce que tous les jeunes enfants font lorsqu’ils n’ont personne pour s’occuper d’eux, personne pour s’assurer de leur sécurité. La plupart des borderlines étaient des enfants délaissés et maltraités. Il n’y avait personne pour les consoler ou les protéger. Souvent, les seules personnes qui étaient là étaient des gens qui leur faisaient du mal. Comme il leur manquait un adulte sain qu’ils puissent internaliser, il leur manque en tant qu’adultes les ressources internes qui leur permettraient de les soutenir. Lorsqu’ils sont seuls, ils se sentent paniqués. » (La thérapie des schémas, p. 401)

Les origines possibles sont multiples : génétique (un ascendant schizophrène, bipolaire ou asocial par exemple), éducatives (décrochage en CP, dyslexie non diagnostiquée, entrée traumatisante en 6ème, harcèlement scolaire), familiale (milieu tendu, rigide, punitif mais sans apprentissage de la frustration). Chez ces individus, il y a une grande sensibilité, une intelligence et une créativité qui n’a pas été reconnue, accueillie et soutenue. Là encore, notre société de consommation a sa part de responsabilité, cherchant à nous faire créer en nous enfermant dans des formes préfabriquées (jeux vidéos, applis sur smartphone), au lieu de laisser les êtres explorer par eux-mêmes avec leurs moyens immédiats, et notamment leur corps.

Le diagnostic est à double tranchant : la prise de conscience peut faire du bien, en mettant un mot sur une situation, et en découvrant qu’on est pas seul à souffrir. Mais il peut y avoir une tendance à s’enfermer dans la volonté d’obtenir une certitude : même si le diagnostic est posé par un psychiatre, cela ne garantie pas une amélioration, puisque le problème essentiel du borderline, c’est la faible « observance » : la faible motivation à se soigner. Cette faible observance s’explique en partie par la croyance qu’il est impossible de guérir.

Pour tenter de savoir si vous êtes concerné par ce trouble de la personnalité, lisez cette fiche. Une description des 9 critères du DSM IV-TR en langage courant est disponible ici.

Voici une vidéo très instructive (en anglais) qui montre un cas un peu extrême où le patient se met progressivement en colère en séance, parce qu’il ne se sent pas correctement écouté, face au thérapeute qui le confronte progressivement. C’est ce qui se passe régulièrement en couple : les partenaires doivent avoir de très bonnes capacités de communication et beaucoup de patience. La thérapie de couple peut constituer une solution de contournement intéressante, car elle est souvent moins engageante qu’une thérapie personnelle : le couple peut être un lieu thérapeutique.

Les patients « borderline » ressentent le plus souvent des angoisses très intenses, un manque de confiance en soi, un vide sidéral, une absence de sens de la vie en général, et une grande fatigue à force d’être sollicité par les autres et de lutter contre eux-même en permanence. Ils cherchent à diminuer l’angoisse en cachant leurs difficultés et en fuyant dans les addictions (alcool, cannabis, cocaïne…).

Le soin. C’est un véritable calvaire pour l’individu qui en souffre, pas de la tarte pour le thérapeute, mais le « borderline » n’est pas un cas isolé, et ça se soigne, de mieux en mieux. Une bonne nouvelle : pour la plupart des personnes, ça va en s’améliorant avec l’âge et les difficultés s’amenuisent vers 40-50 ans. Mais sans attendre cette âge canonique, la psychothérapie est la meilleure indication.

Le thérapeute doit faire preuve de beaucoup de tact, connaitre ses schémas personnels et veiller à l’interaction avec les schémas du patient : le risque d’arrêt de la thérapie est important.

Il y a souvent une proximité entre borderline, surdoué, narcissique et paranoïde. La plupart du temps, les personnes que je reçois sont déjà diagnostiquées borderline par un psychiatre, mais les aspects douance et narcissisme sont rarement identifiés ; je propose donc un questionnement en début de travail (avec le questionnaire des modes de la Thérapie des schémas). Je préfère raisonner en terme de traits de personnalité (schémas ou modes), et permettre au patient de prendre conscience de ses différents « modes » (automate, protection, abandon, rage, effondrement, fêtard…), et de commencer à les faire dialoguer entre eux.

Bien souvent l’addiction est un refuge : le cannabis peut s’avérer pour certains un très bon anxiolytique; la tolérance de l’entourage est souhaitable, ce qui nécessite une formation des proches. Les esprits rationnels des « parcours de santé » font fausse route : un borderline a toutes les peines à consulter un addictologue. L’alcool est bien souvent beaucoup plus délétère. On cherchera à favoriser tout ce qui peut réduire l’anxiété : traitement phyto ou chimique, respirer, boire de l’eau, s’isoler…

Les techniques qui ont fait leur preuve : la méditation (mindfulness, zazen…), l’hypnose ericksonienne, le rebirth ou hyperventilation, les groupes de parole, la TCD (Thérapie Comportementale et Dialectique). Les plus motivés peuvent entreprendre une Thérapie des Schémas, qui dure environ un an. Il existe quelques associations spécialisées, mais pas grand chose concrètement près de chez vous : un groupe de parole peut très bien faire l’affaire.

Un réseau de troubles. Le trouble borderline a une proximité avec la personnalité impulsive, la personnalité addictive, le TDAH très à la mode, ou tout simplement le tempérament impulsif et débridé de certains ados tout à fait normaux, en pleine crise d’adolescence, et en recherche d’identité.

Le trouble borderline cache ou précède parfois un trouble bipolaire (alternance de phases dépressive et de suractivité, appelé autrefois « maniaco-dépressif ») que seul un psychiatre peut diagnostiquer et traiter.

Pour les lecteurs les plus courageux, voici
– une suite de 3 pages, destinées aux professionnels de santé, mais accessible au public : Les personnalités limites
– un document assez complet qui décrit le « Trouble de la Personnalité Limite ». En lisant ce document, il faut bien garder à l’esprit qu’il est question de cas extrêmes, et que le trouble borderline constitue une très large palette et une grande diversité. On peut le voir comme un handicap psychique, et éventuellement chercher à le faire reconnaitre auprès de la Cotorep, lorsqu’il n’est plus possible de travailler par exemple.