Le désir d’inceste est partout présent dans nos existences. Car il est ce à partir de quoi se construit à l’origine le désir. Mais pour que l’enfant s’humanise, qu’il devienne un véritable sujet, un être de parole, il lui faut renoncer, non pas comme on le dit communément à coucher avec sa mère, mais à la jouissance qu’il partage avec elle. Et à laquelle celle-ci doit également renoncer.
Or, de nos jours, l’interdit œdipien, impliquant de prendre de la distance avec le premier Autre de l’enfant, avec l’univers maternel, et de ce confronter à la perte, va de moins en moins de soi. Car la délégitimation dans notre environnement néolibéral de toutes les figures d’autorité, à commencer par celle du père, rend ces opérations difficiles. D’autant plus difficiles que tout, dans le discours dominant, tend à renforcer l’évolution vers une société qui prône, au nom d’une légitime aspiration à la démocratie, l’égalité sans limite – notamment entre le père et la mère, entre les générations. Et la mise en avant du seul individu, sinon d’un éternel enfant-objet. Ce qui conduit à confondre différence et altérité et incite d’autre part à récuser toutes les contraintes, à abolir toutes les limitations à la jouissance. Non sans conséquences, comme le montre par exemple l’apparition de nouvelles pathologies et en particulier l’essor spectaculaire des addictions de toutes sortes.
Que faire pour affronter cette crise de l’humanisation qu’a entraînée l’estompement de l’interdit de l’inceste sous toutes ses formes? Comment, en particulier, restaurer pour chacun la capacité de se déprendre du maternel? De pouvoir désirer? Comment éviter que, de plus en plus, le singulier ne l’emporte sur le collectif? Des questions cruciales, que l’auteur explore cas cliniques à l’appui.
Source : http://www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Mediations/Les-Couleurs-de-l-inceste