L’impact des bactéries intestinales va au-delà du système digestif

L’intestin est la base de la santé et de l’immunité.

L’intestin est ensemencé par des bactéries, qui sont transmises par la mère par son propre intestin, les sécrétions vaginales lors de la naissance naturelle, et le lait maternel.

Que se passe-t-il pour les enfants nés sous césarienne et n’ayant pas été allaités ?

Des liens sont progressivement tissés entre la qualité de la flore intestinale (microbiote) et les thèmes suivants :

  • allergies, maladies immunes, métaboliques ou auto-immunes, maladies inflammatoires de l’intestin dont la maladie de Crohn ;
  • diabète, obésité ;
  • anxiété, maladies psychiatriques dont l’autisme, et les maladies neurodégénératives.

L’intestin est agressé par l’alimentation industrielle (additifs chimiques, produits transformés à outrance, arômes artificiels, etc.), par certaines préparations traditionnelles fermentées, et par les antibiotiques.

Je fais l’hypothèse suivante, en 3 temps :

  1. l’intestin est le souvenir de la vie bactérienne de l’océan, puisque tous les mammifères proviennent des océans, et portent en eux l’eau qui leur est nécessaire pour vivre (le sang et les lymphes); le microbiote est aussi un résumé des bactéries terrestres qui participent aux différentes fermentations (lactique, alcoolique, acétique…).
  2. la micro-biologie des sols, devenue populaire grâce à Claude Bourguignon, est un équivalent de la vie microscopique des océans (les bactéries et le plancton).
  3. l’ère industrielle a saccagé la micro-biologie des sols (excès d’engrais chimiques et pesticides); elle saccage de la même façon la micro-biologie des intestins humains.

A suivre…

Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?
Chez l’homme, le contenu intestinal pèse 2 kg en moyenne, masse dans laquelle les bactéries représentent 50 %. En nombre, cela représente 100.000 milliards de bactéries, qui appartiennent à plusieurs centaines d’espèces différentes. Le microbiote compte dix fois plus de bactéries que le corps humain ne contient de cellules.

Quel est le rôle de ces bactéries ?
On distingue différents grands groupes de bactéries avec des fonctions différentes. Leurs rôles s’exercent au niveau des interfaces avec l’aliment, les bactéries de l’environnement ou les cellules humaines, notamment en terme de contribution à la dégradation des composés alimentaires. Les bactéries sont surtout situées dans la partie basse de l’intestin.
Certaines bactéries vont par exemple dégrader les fibres ou participer à la fermentation, contribuant ainsi aux sources d’énergie pour l’hôte. D’autres jouent un rôle de protection contre les bactéries pathogènes, d’autres encore stimulent le renouvellement de la paroi intestinale et du mucus ou nos systèmes de défenses naturelles. Elles ont donc un effet bénéfique sur la flore, l’intestin et l’organisme tout entier.

Quand et comment se constitue le microbiote intestinal ? Comment évolue-t-il ?
Pour l’instant, on sait qu’il évolue dans les premiers mois et années de la vie et que la stabilisation apparaît autour des trois ans. Après cette période, le microbiote intestinal est remarquablement stable au fil des années. Même quand il subit un stress majeur – comme un traitement antibiotique –, on a pu constater qu’après un à deux mois, l’équilibre initial est retrouvé.
En revanche, on peut imaginer qu’un traitement fort et durable va entraîner une modification durable ou définitive, voire une altération à long terme du microbiote. Une équipe américaine a comparé des individus nord-américains, africains et sud-américains et a constaté chez les premiers une moindre diversité microbienne. Une des hypothèses expliquant cela repose sur l’administration d’antibiotiques. A 18 ans, un Américain a déjà reçu 18 traitements antibiotiques en moyenne. Et les conséquences s’étalent sur plusieurs générations, via la mère.
En effet, le rôle de la mère dans la constitution du microbiote intestinal est important. On retrouve des souches d’origine maternelle chez le nouveau-né, qui proviennent du microbiote intestinal et vaginal de la mère. Même si c’est simplifié, c’est un bagage, avec des éléments déterminants de ce que sera le microbiote de l’adulte.
Dans les années 1980, on a beaucoup étudié l’impact du lait maternel. Aujourd’hui, on a tellement progressé dans la composition des préparations pour nourrissons qu’il y a moins de différences qu’avant avec le lait maternel. On peut néanmoins penser que le lait maternel est vecteur de signaux qu’on n’a pas encore su identifier. Dans le sang et le lait de la mère, il y a des signaux de transfert bactérien, qui pourraient servir à « éduquer » le système immunitaire de l’enfant.
Ensuite, si le microbiote est stable pendant la plus grande partie de la vie, on a l’impression qu’il y a une dérive chez la personne âgée ou très âgée. Avec néanmoins un impact des dérives des pratiques alimentaires.

Comment ces bactéries affectent-elles notre santé en général ?
Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, grâce aux antibiotiques, on a pu contrôler les pathologies infectieuses. Mais en parallèle, on a constaté le développement d’allergies, de maladies immunes, métaboliques ou auto-immunes. On a alors suspecté un lien avec le microbiote. Depuis les années 1990, à l’INRA, on étudie les maladies inflammatoires de l’intestin. Dans le cas de la maladie de Crohn, on a constaté une déviance du microbiote, avec des bactéries absentes ou sous-représentées. Dans le cas de plusieurs maladies immunes, on a noté un lien entre la détérioration de la composition du microbiote et l’installation des maladies chroniques.

Les fonctions du microbiote intestinal s’exercent aux interfaces avec les aliments, les bactéries et également avec l’hôte. Sur ce dernier volet, on peut imaginer une incidence sur l’immunité (via l’épithélium ou les cellules de l’immunité qui circulent dans le sang), et un lien avec le système nerveux. On a constaté, par exemple, chez les souris, que le niveau d’anxiété pouvait être impacté par le microbiote. Pour certaines formes d’autisme, à déclenchement tardif, des publications font également le lien avec le microbiote.
Les conséquences vont donc au-delà du système digestif. Il y a presque dix ans, les équipes de Jeff Gordon avaient mis en évidence un lien avec l’obésité. Mais des études s’intéressent également aux conséquences du microbiote sur des maladies inflammatoires, le diabète ou encore les allergies. Donc des pathologies pas forcément centrées sur l’intestin. On explore aujourd’hui des maladies psychiatriques.

Ces constats ouvrent de nouvelles portes pour les traitements, en parallèle avec d’autres thérapies. Dans le cas du diabète, des essais cliniques ont ainsi montré des évolutions sur quelques semaines.

Comment peut-on modifier le microbiote pour soigner ces maladies ?
Il existe différentes façons de moduler le microbiote : on peut apporter des bactéries vivantes [avec par exemple les probiotiques, ndlr], ou modifier la consommation, avec des apports nutritionnels, des pré-biotiques, qui sont des sources d’énergie pour certaines bactéries intestinales. On peut également moduler le microbiote par des recommandations nutritionnelles. Enfin, l’extrême auquel on peut arriver, dans certains contextes graves, c’est la transplantation de microbiote. On inocule le microbiote d’un donneur à un receveur, dont on veut remplacer le sien.

Propos recueillis par Oriane Raffin
http://www.arte.tv/fr/L-impact-des-bacteries-intestinales-va-au-dela-du-systeme-digestif/6724566.html