Les croyances – Cas pratique n°1 : L’athéisme au Niger

Comme nous allons sans doute avoir besoin de nous adapter à des changements importants dans les prochaines décennies, il nous faudra nous préparer, nous éduquer, et malaxer profondément nos systèmes de croyance. Voici ma contribution, avec cette nouvelle série d’articles.

Il semble que les humains ne peuvent pas vivre sans croyances. Nous constatons également que des croyances fortement ancrées aident les humains à dépasser les épreuves de la vie, en leur permettant de constituer une vision de l’avenir avec de l’espoir : la possibilité d’un scénario favorable lorsque tout semble perdu (décès, cancer, séparation, etc.). Même si une croyance peut être mise en question, voire être admise comme erronée (par exemple l’existence du père noël), celui qui croit ne peut pas supporter que sa croyance soit remise en cause. C’est le principe du déni, une forme de défense psychique. Si l’individu constate que la réalité confronte fortement sa croyance, soit il s’enferme dans le déni, soit il doit entamer un long et couteux processus de mise à jour de cette croyance, qui passe souvent par un état dépressif (Cf. les étapes du deuil de E. Kubler-Ross).

Prenons quelques exemples et analysons ces cas pratiques.

Cas pratique : L’athéisme au Niger

Un ami relatait une anecdote vécue au Niger, pays très pauvre et sans doute très musulman. Son hôte nigérian et musulman lui demande s’il croit en Dieu ; il répond qu’il est athée, qu’il ne croit pas en Dieu. Son interlocuteur lui dit : « Ah, vous êtes catholique ! ». Notre ami insiste : « Non, non, je ne crois en aucun Dieu ! ». Son hôte nigérian lui répond, avec un grand rire : « Ah, ah, qu’est-ce que vous êtes drôle ! ».

Notre ami comprend qu’il n’y a rien à faire : inutile d’insister. La prochaine étape pourrait être d’obtenir la colère de son hôte, ou de mettre celui-ci en difficulté, l’hospitalité étant incompatible avec l’expression de la colère.

Que pouvons-nous déduire de cette histoire ? L’hôte Nigérian croit au Dieu de la religion musulmane : Allah. Il fait sans doute preuve d’ouverture puisqu’il accepte l’idée qu’il soit possible de croire en un Dieu différent, le Dieu des Chrétiens. Mais il est impensable dans son système de croyance que quelqu’un puisse ne pas croire en un Dieu. Il cherche donc à ranger l’information de son interlocuteur « Je ne crois en aucun Dieu » dans des cases disponibles : « Il est catholique », puis comme cette case ne fonctionne pas, il la range dans une autre case : « Il fait de l’humour ». Si notre ami athée insistait, les cases suivantes pourrait être : « C’est un provocateur, il se moque de moi », puis « Il est fou, je n’ai plus besoin de l’écouter ».

Autorité et séduction

Un constat de société

Nous sommes nombreux à faire le constat aujourd’hui d’un manque d’autorité parentale, ayant assisté à une scène désolante, hélas répétitive, celle d’un petit garçon ou d’une petite fille qui insulte impunément sa mère ou son père, ou qui le manipule en obtenant jouets, faveurs, récompenses.

Nous faisons également le constat d’un excès de séduction, lisible à travers le matraquage publicitaire, et le comportement des petites filles, qui souhaiteraient déjà être des femmes, à peine passé leur puberté. Elles affichent parfois des plastiques de jeunes femmes convaincantes, mais révèlent des comportements et des raisonnements infantiles qui risquent de les mettre en danger.

Lorsque l’autorité manque et que la séduction est en excès, la perversion devient l’unique choix familial, avec son cortège de transgressions et de malheurs : non-dits, inceste, violence, alcool, obésité et somatisations de toutes sortes – crise cardiaque, cancer, diabète… – et le cortège des désordres psychocorporels : anorexie/boulimie, drogue, stress, anxiété, dépression…

« L’enfant roi » est devenu une catégorie marketing, et les publicitaires ont bien compris l’intérêt qu’ils pouvaient retirer à profiter de la faiblesse des parents, voire à l’entretenir sciemment, ou à utiliser l’enfant comme un prescripteur. L’enfant devenu roi détrône le roi et la reine (ses parents), et règne en tyran dans la famille et à l’école. Il ne pourra pas devenir prince ou princesse (pour former un couple), et aura toutes difficultés pour devenir à son tour roi ou reine (père ou mère).

N’ayant pas connu de limites, par l’autorité parentale, sa volonté d’expansion est infinie, et se heurtera vite à la Loi, qu’il tentera de contourner plus ou moins habilement. Son avenir est celui : d’un délinquant (personnalité asociale) ; d’une personnalité impulsive et instable, malheureuse et isolée (borderline) ; d’un manipulateur talentueux, faisant une belle carrière mais détruisant son entourage (narcissique ou pervers narcissique).

 

Quel lien y a-t-il entre ces deux thèmes ?

L’autorité et la séduction sont deux qualités ou types de rapport au monde, très souvent en question en psychothérapie.

Souvent, il y a déséquilibre, chez l’homme ou chez la femme, avec une inclination vers l’un ou vers l’autre : excès d’autorité et manque d’habilité relationnelle, personnalité séduisante dépourvue d’autorité parentale ou professionnelle.

Idéalement, un individu « accompli et épanoui » possède ces deux qualités et en fait un usage modéré. Son autorité et sa séduction lui permettent d’influencer un interlocuteur avec respect et bienveillance, de le motiver et obtenir son adhésion dans le sens d’un comportement ou d’un projet. Elles permettent de renforcer la relation. Concrètement, l’autorité et la séduction facilitent l’éducation des enfants, ou la bonne marche d’un service en entreprise ou dans une administration.

 

Comment se construisent ces deux qualités ?

Même si le nouveau né est la rencontre d’un père et d’une mère, même si les futurs parents ont eu neuf mois pour se préparer, et même s’il sort des entrailles de sa mère, celui-ci n’en demeure pas moins un étranger dans la famille, un être ayant déjà sa personnalité définie génétiquement, qui a besoin de séduire sa mère pour se faire adopter !

C’est sans doute pour cette raison que la réaction saine de l’entourage est celle des « gouzi-gouzi » attendris et des sourires un peu béats : nous accueillons ce petit être très vulnérable affectivement, pour l’aider à se construire progressivement, prendre confiance en lui, et s’affirmer. Claude Racamier évoque une « séduction narcissique réciproque des trois premiers mois indispensable au développement de l’enfant » : l’enfant séduit sa mère, et la mère séduit son enfant, pour apprendre à s’aimer mutuellement.

L’enfant doit traverser une étape de « castration » pour quitter sa « toute-puissance », à l’épreuve de la réalité et des limites, et atteindre un « narcissisme secondaire » (vers les 3 ans), dans lequel il développe son « idéal du Moi », il prend conscience à la fois de son incomplétude et de l’importance vitale d’être en relation avec les autres. Cette traversée saine lui apporte : estime de soi, assurance, autonomie, capacité d’entreprendre, et capacité d’investir en toute confiance de nouvelles relations.

 

Autorité et séduction : des valeurs sociales

Comment ces deux valeurs sont-elles portées dans votre famille ? Les hommes sont-ils « respectés et craints » ou « coureurs de jupons » ? Les femmes sont-elles des « femme-enfants » ou « portent-elles la culotte » ?

Comment ces valeurs cheminent et évoluent à travers la généalogie de votre famille ?

Nous pouvons également élargir notre questionnement aux aspects historiques et géographiques :
– comment l’autorité et la séduction, en tant que valeurs sociales, ont évolué en France entre l’avant et l’après mai ’68 ?
– comment ces deux valeurs sont-elles représentées dans des sociétés à orientation patriarcale ou matriarcale, dans des régions planétaires telles que : Europe du Nord, Méditerranée, Afrique Noire ?
– et bien-sûr, selon mon sujet de prédilection du moment, comment sont-elles portées dans une culture catholique, musulmane, juive, bouddhiste, athée, ou autre ?

Vive la liberté d’expression !
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Lecture :
Jean-Pierre Lebrun : Les Couleurs de l’inceste. Se déprendre du maternel.