Panne d’ascenseur dans le social

Depuis 2015, un sujet me trotte dans la tête. J’ai commencé à mettre en forme mes idées en 2017 et ces idées ont pris la forme d’un essai. Mon ami Bernard Legros a bien voulu écrire la préface, et l’éditeur Libre et solidaire a été intéressé par mon projet, qui est paru le 30 mai 2019.

Je soutiens les librairies indépendantes faces aux GAFAM, et soutient cette sélection de livres pour réfléchir sur l’Amazonie.

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Véritable métaphore, ce texte dénonce les déviances de notre société qui laisse en chemin les personnes les plus fragiles sous prétexte de modernité.

En 2002, dans un quartier ouvrier de Strasbourg, le petit Bilal, un enfant de 4 ans, chute dans une cage d’ascenseur et décède. Cet accident très médiatisé, à l’origine de la loi de Robien, nous interpelle sur l’état de notre société.

Le progrès technologique est-il vraiment accessible à tous ? L’ascenseur, solution de notre société moderne, est-il supérieur à l’escalier, solution « économique » ? À travers ce parallèle, c’est tout le concept de « progrès » qui est remis en question. Cette parabole décrit un système social qui augmente les inégalités entre les classes, les privilégiés d’une part et les laissés-pour-compte d’autre part, ce fossé se creuse de plus en plus engendrant frustrations et suscitant le rejet de notre système politique.

Cet ouvrage nous invite à refuser ce faux progrès, à changer nos références culturelles, notre regard sur le monde et sur nous-mêmes, et surtout à modifier notre comportement, le temps presse…

Le scandale de l’Aide Sociale à l’Enfance

Les enfants attirent les pédophiles, parfois déjà condamnés, dans l’enseignement, dans le clergé… Les enfants font parfois l’objet de maltraitance, dans des familles d’accueil qui sont censées être contrôlées par l’administration. Le parcours « administratif » des enfants est parfois aberrant (placement/retrait), en contradiction avec les besoins de développement psycho-affectifs.

On souhaiterait élever des borderlines, on ne s’y prendrait pas autrement.

Les enfants attirent aussi les profiteurs : les comptes de l’aide sociale à l’enfance ne sont pas contrôlés : il est possible de vivre un train de vie dispendieux aux frais de l’argent public.

Un reportage diffusé sur France 5 le 13 septembre 2016 :
Enfants en souffrance, la honte !

On retrouve dans ce reportage la logique bureaucratique, faite de négligence, d’indifférence, de contrôle faible, de médiocrité, de déni.

Comme le fait remarquer Patric Jean, la plupart des terroristes, bien médiatisés par BFM TV, sont passés par les foyers de l’enfance, l’école de la criminalité infantile.

Qui se rappelle que les frères Kouachi, Mehdi Nemmouche (musée juif de Bruxelles), Mohamed Merah mais aussi Hasna Aït Boulahcen (tuée dans l’assaut à Saint-Denis) sont tous passés par des foyers de l’enfance ?

Attentats: la valse des hypocrites ne fait que commencer

Honte à l’Etat français, honte à nous.

Autorité et séduction

Un constat de société

Nous sommes nombreux à faire le constat aujourd’hui d’un manque d’autorité parentale, ayant assisté à une scène désolante, hélas répétitive, celle d’un petit garçon ou d’une petite fille qui insulte impunément sa mère ou son père, ou qui le manipule en obtenant jouets, faveurs, récompenses.

Nous faisons également le constat d’un excès de séduction, lisible à travers le matraquage publicitaire, et le comportement des petites filles, qui souhaiteraient déjà être des femmes, à peine passé leur puberté. Elles affichent parfois des plastiques de jeunes femmes convaincantes, mais révèlent des comportements et des raisonnements infantiles qui risquent de les mettre en danger.

Lorsque l’autorité manque et que la séduction est en excès, la perversion devient l’unique choix familial, avec son cortège de transgressions et de malheurs : non-dits, inceste, violence, alcool, obésité et somatisations de toutes sortes – crise cardiaque, cancer, diabète… – et le cortège des désordres psychocorporels : anorexie/boulimie, drogue, stress, anxiété, dépression…

« L’enfant roi » est devenu une catégorie marketing, et les publicitaires ont bien compris l’intérêt qu’ils pouvaient retirer à profiter de la faiblesse des parents, voire à l’entretenir sciemment, ou à utiliser l’enfant comme un prescripteur. L’enfant devenu roi détrône le roi et la reine (ses parents), et règne en tyran dans la famille et à l’école. Il ne pourra pas devenir prince ou princesse (pour former un couple), et aura toutes difficultés pour devenir à son tour roi ou reine (père ou mère).

N’ayant pas connu de limites, par l’autorité parentale, sa volonté d’expansion est infinie, et se heurtera vite à la Loi, qu’il tentera de contourner plus ou moins habilement. Son avenir est celui : d’un délinquant (personnalité asociale) ; d’une personnalité impulsive et instable, malheureuse et isolée (borderline) ; d’un manipulateur talentueux, faisant une belle carrière mais détruisant son entourage (narcissique ou pervers narcissique).

 

Quel lien y a-t-il entre ces deux thèmes ?

L’autorité et la séduction sont deux qualités ou types de rapport au monde, très souvent en question en psychothérapie.

Souvent, il y a déséquilibre, chez l’homme ou chez la femme, avec une inclination vers l’un ou vers l’autre : excès d’autorité et manque d’habilité relationnelle, personnalité séduisante dépourvue d’autorité parentale ou professionnelle.

Idéalement, un individu « accompli et épanoui » possède ces deux qualités et en fait un usage modéré. Son autorité et sa séduction lui permettent d’influencer un interlocuteur avec respect et bienveillance, de le motiver et obtenir son adhésion dans le sens d’un comportement ou d’un projet. Elles permettent de renforcer la relation. Concrètement, l’autorité et la séduction facilitent l’éducation des enfants, ou la bonne marche d’un service en entreprise ou dans une administration.

 

Comment se construisent ces deux qualités ?

Même si le nouveau né est la rencontre d’un père et d’une mère, même si les futurs parents ont eu neuf mois pour se préparer, et même s’il sort des entrailles de sa mère, celui-ci n’en demeure pas moins un étranger dans la famille, un être ayant déjà sa personnalité définie génétiquement, qui a besoin de séduire sa mère pour se faire adopter !

C’est sans doute pour cette raison que la réaction saine de l’entourage est celle des « gouzi-gouzi » attendris et des sourires un peu béats : nous accueillons ce petit être très vulnérable affectivement, pour l’aider à se construire progressivement, prendre confiance en lui, et s’affirmer. Claude Racamier évoque une « séduction narcissique réciproque des trois premiers mois indispensable au développement de l’enfant » : l’enfant séduit sa mère, et la mère séduit son enfant, pour apprendre à s’aimer mutuellement.

L’enfant doit traverser une étape de « castration » pour quitter sa « toute-puissance », à l’épreuve de la réalité et des limites, et atteindre un « narcissisme secondaire » (vers les 3 ans), dans lequel il développe son « idéal du Moi », il prend conscience à la fois de son incomplétude et de l’importance vitale d’être en relation avec les autres. Cette traversée saine lui apporte : estime de soi, assurance, autonomie, capacité d’entreprendre, et capacité d’investir en toute confiance de nouvelles relations.

 

Autorité et séduction : des valeurs sociales

Comment ces deux valeurs sont-elles portées dans votre famille ? Les hommes sont-ils « respectés et craints » ou « coureurs de jupons » ? Les femmes sont-elles des « femme-enfants » ou « portent-elles la culotte » ?

Comment ces valeurs cheminent et évoluent à travers la généalogie de votre famille ?

Nous pouvons également élargir notre questionnement aux aspects historiques et géographiques :
– comment l’autorité et la séduction, en tant que valeurs sociales, ont évolué en France entre l’avant et l’après mai ’68 ?
– comment ces deux valeurs sont-elles représentées dans des sociétés à orientation patriarcale ou matriarcale, dans des régions planétaires telles que : Europe du Nord, Méditerranée, Afrique Noire ?
– et bien-sûr, selon mon sujet de prédilection du moment, comment sont-elles portées dans une culture catholique, musulmane, juive, bouddhiste, athée, ou autre ?

Vive la liberté d’expression !
:O)

Lecture :
Jean-Pierre Lebrun : Les Couleurs de l’inceste. Se déprendre du maternel.

 

 

 

Choisir son psy reste un casse tête

Certains ont déjà lu cet article, d’autre le découvrirons ci-dessous.

Un article assez confu et pessimiste

Le libellé de l’article est pessimiste, ça n’aide pas les patients à y voir plus clair. On aimerait bien compter sur l’auteur du monde pour nous aider… Alors j’essaie de compléter un peu.

Ce qui est dommage, c’est que nous avons en France la manie de pointer les statuts, là où nous devrions mettre en avant l’activité. Je préfère dire « Je joue du piano » au lieu de « je suis pianiste ».

Ce qui compte, c’est le type de thérapie que vous souhaitez faire. Et après, il vous reste à chercher un professionnel qui propose ce type de thérapie.

Les TCC sont pratiquées par les psychothérapeutes, mais aussi par les médecins, les psychologues, les psychiatres, et pourquoi pas par certains psychanalystes un peu open.

Les psychanalyses les plus courantes (Freudo-lacanienne ou jungienne) sont pratiquées par les psychanalystes.

La psychothérapie brève (qu’on peut situer entre une TCC et une psychanalyse, en durée et en profondeur) est pratiquée par certains psychologues, notamment ceux ayant un DU (psychothérapie intégrative, thérapie des schémas…), les psychiatres et les psychanalystes.

 

L’article du journal Le Monde, du 11 avril 2011.

Longtemps, n’importe qui pouvait se déclarer psychothérapeute, ce qui laissait la place à d’éventuels charlatans, sans formation. En mai 2010, un décret est venu réglementer la profession. Très controversé, il reste, un an après, perçu par la plupart des psychanalystes et psychothérapeutes comme une tentative de « médicaliser la souffrance psychique » et de privilégier les thérapies comportementales importées des Etats-Unis par rapport aux psychothérapies à tendance analytique.
Le décret crée un registre national des psychothérapeutes accessible au public. Pour s’y inscrire, il faut être titulaire d’un master de psychologie ou de psychanalyse, ou d’un diplôme de médecin, et justifier d’une formation en psychopathologie clinique de quatre cents heures minimum et d’un stage pratique d’une durée minimale de cinq mois.

Un an après la promulgation du décret, le registre n’est toujours pas prêt. Les agences régionales de santé commencent tout juste à mettre en place les commissions d’inscription. « On peut s’attendre à ce que le fichier ne puisse être exhaustif avant plusieurs mois », précise-t-on au ministère de la santé.

Alors vers quel « psy » se tourner pour faire une psychothérapie ? Par « psy », on désigne une galaxie composée de quatre grandes familles : les psychiatres, les psychologues, les psychanalystes et les psychothérapeutes.

En vertu du nouveau décret, les psychiatres (médecins spécialisés dans les troubles mentaux) sont les seuls à ne pas avoir besoin de formation complémentaire pour être psychothérapeutes. Les psychologues, titulaires d’un master de psychologie, les psychanalystes (qui ont été eux-mêmes analysés et dont les premières années d’exercice font l’objet d’une supervision par un psychanalyste senior) doivent, comme les médecins, bénéficier d’un complément de formation en psychopathologie et en pratique clinique. Les psychothérapeutes installés depuis au moins cinq ans peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une dérogation.

Au ministère de la santé, on précise que le groupe PagesJaunes s’est engagé à partir de l’édition 2012 à inscrire dans la rubrique « Psychothérapeutes » les seules personnes ayant fourni leur autorisation d’usage. Les autres figureront dans une nouvelle rubrique intitulée « Psychothérapies : pratiques hors du cadre réglementé ».

En guerre contre le décret, certaines sociétés de psychothérapeutes ont décidé de renommer leur profession, et de s’appeler « psychopraticiens ».

Mais choisit-on vraiment un psychothérapeute dans les PagesJaunes ? Pour Marie-Frédérique Bacqué, professeur de psychopathologie à l’université de Strasbourg, « la première des choses est de s’adresser à son médecin traitant, qui dispose d’un réseau de psys dans son quartier ».

Coauteur du guide Comment choisir sa psychothérapie, les écoles, les méthodes, les traitements, (Odile Jacob, 2006, 352 p., 23,90 euros), Daniel Widlöcher, psychiatre, psychanalyste, y voit plutôt la tâche du psychiatre : « Il doit être en mesure d’aider la personne à s’orienter vers une combinatoire, médicament, thérapie d’orientation psychanalytique ou comportementale. »

Pour cet ancien président de l’Association psychanalytique internationale, il y a deux grandes manières de traiter la souffrance psychologique : les thérapies de suggestion ou les thérapies de réflexion sur soi. Les premières, qui correspondent au courant comportementaliste, guident le patient, lui donnent des consignes pour qu’il lutte contre les symptômes qui le font souffrir. Les secondes, qui correspondent au courant analytique, aident l’individu à se dégager de ses pesanteurs et de ses déterminismes internes par une réflexion sur soi en faisant parler l’inconscient.

Les deux courants se livrent une compétition acharnée, chacun tentant de disqualifier l’autre. Dans un livre qui vient de paraître (Choisir une psychothérapie efficace, Odile Jacob, 349 p., 22,90 euros), Jean Cottraux, psychiatre et précurseur en France des thérapies comportementales et cognitives (TCC), passe en revue cinq types de thérapie et conclut à l’efficacité des TCC dans la quasi-totalité des troubles pathologiques, les thérapies psychanalytiques ne les égalant que pour les troubles de la personnalité.

Cosignataire du Livre noir de la psychanalyse (sous la direction de Catherine Meyer, Les Arènes, 2005, 830 p., 29,80 euros) et contributeur d’une expertise Inserm controversée sur l’efficacité des psychothérapies, Jean Cottraux considère qu’« un bon thérapeute doit être en mesure d’expliquer son trouble à son patient, de lui dire comment il va procéder, combien de temps cela va durer, combien ça va coûter, et quelles sont les alternatives possibles ».

Mais si les TCC correspondent à des méthodes transposables et reproductibles, il n’en va pas de même des thérapies d’orientation psychanalytique. « Elles n’ont pas de durée prédéterminée. Elles ne s’attaquent pas uniquement au symptôme mais permettent un meilleur épanouissement de la personne, plus de créativité et une plus grande liberté », poursuit Marie-Frédérique Bacqué.

Par-delà le choix du type de thérapie, deux éléments sont déterminants : le professionnalisme bien sûr, mais aussi la relation de confiance. « Ce qui importe n’est pas tant la technique que le psychothérapeute. On est dans le rapport humain, et, les études le confirment, une thérapie réussie repose sur l’alliance thérapeutique », estime Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste.

N’importe quel médecin généraliste, sympathique ou pas, est capable de soigner une angine. Il en est tout autrement d’un psychothérapeute, qui doit faire preuve d’une compréhension bienveillante… « Quand j’adresse des patients à un psychothérapeute, je les préviens que je vais les envoyer chez quelqu’un en qui j’ai confiance, mais que si cette personne ne leur convient pas, ils peuvent revenir me voir », poursuit Alain Braconnier. On peut voir plusieurs psychothérapeutes et faire son choix, l’important est de se sentir compris.

« Je tu(e) il » – Psychanalyse et mythanalyse des perversions – Michel Cautaerts

Perversions narcissiques - Je tu(e) il - Michel Cautaerts« La peste du XXIeme siècle », c’est ainsi que Michel Cautaerts qualifie les perversions narcissiques. La plupart du temps cachées, elles minent la vie d’un grand nombre de victimes, tant au niveau des couples, des familles que des entreprises.

Les perversions narcissiques
Il y a à peine une vingtaine d’années que les mécanismes des perversions narcissiques font l’objet d’études sérieuses. Connues par le grand public sous le nom de « harcèlement moral » ou de « violence perverse » – grâce aux publications de Marie France Hirigoyen -, peu à peu les professionnels de santé, les éducateurs, les juristes, les enseignants, …, s’intéressent à ces comportements qui empoisonnent la vie d’autrui.

Michel Cautaerts nous livre sa riche expérience de thérapeute. Son livre embrasse un horizon des plus larges, il s’adresse à tous ceux qui sont confrontés à ce type de perversion, en premier lieu aux personnes qui ont pour mission d’aider les victimes et aux victimes elles mêmes.

Comment repérer les pervers ?
Si les victimes, dès qu’elles comprennent dans quel piège elles se trouvent, n’ont aucun mal à décrire le comportement de leur bourreau, pour l’entourage immédiat la situation est  plus difficile à cerner. Les pervers narcissiques sont des individus « normaux », la plupart du temps ils apparaissent sous des angles très avantageux. Mais que l’on ne s’y trompe pas : leur action, bien que souterraine, est redoutable et destructrice !

L’auteur liste les caractéristiques du pervers narcissique :

  • « Ses impératifs lui imposent de ne jamais dépendre et de ne jamais pouvoir être pris sur le fait.
  • Il possède tout les droits et autrui aucun.
  • Si la loi existe pour les autres, lui peut la contourner.
  • Il distille dès lors le flou et la confusion, change selon ses attentes, rationalise, fuit les responsabilités qu’il met sur le dos des autres.
  • Il n’a cure d’aucun cadre, de travail ou de relation.
  • Il exploite autrui au nom de l’amitié mais ne lui rend pas la réciproque.
  • Dans la relation, les demandes sont toujours unilatérales.
  • Il met régulièrement l’autre en cause mais ne peut jamais l’être lui-même.
  • Il se présente comme un malheureux, à plaindre et à aider, ce qu’il n’est pas.
  • Sa préférence va aux communications indirectes, à la manipulation à distance ou par des intermédiaires.
  • Il s’entoure de complices mais n’a pas d’amis. »

A cette liste, extraite du chapitre « Victimes et patients », s’ajoutent de nombreux autres points qui se situent sur le même registre.

Comment aider les victimes ?
Par nature, les pervers narcissiques consultent peu, et s’il le font, ils se présentent le plus souvent comme des victimes, ce qui nécessite une grande habilité et une grande expérience des intervenants pour démêler le vrai du faux.

En présence de victimes avérées, les psychiatres, psychanalystes, thérapeutes, …,  doivent impérativement sortir de leur réserve habituelle, expliquer clairement quels sont les mécanismes mis en jeu et aider la victime à les repérer.

Michel Cautaerts décrit les phases de traitement :

  1. Démonter les mécanismes : prise de notes et écueils à éviter ;
  2. La reconquête de l’identité ;
  3. la reprise du développement normal ;
  4. l’individualisation c’est-à-dire la (re)conquête de l’identité.

Le travail du psychanalyste
Un chapitre est consacré au travail du psychanalyste. L’auteur souligne les différences entre la manière jungienne de travailler et les autres. Il rappelle les règles fondamentales et indique que « La recherche de la vérité se situe au cœur du travail psychanalytique et requiert de la part de l’analyste, d’une part, et du patient, d’autre part, qu’ils fassent preuve de respect et d’honnêteté l’un envers l’autre, conditions indispensables à la sécurité des deux. »

La prise de rendez-vous au téléphone, le premier entretien, le cadre des interventions et bien d’autres éléments sont détaillés. Michel Cautaerts met en garde des difficultés et des dangers que doivent affronter les soignants et autres intervenants qui sont en contact avec des pervers narcissiques.

La question du mal
Derrière les perversions se profile la question fondamentale du mal. Réponse à Job, le livre qui s’est présenté à Jung comme une symphonie, sert de fil conducteur aux  questionnements de l’auteur.

Dans sa conclusion l’auteur indique : « Ainsi, le Mal est une puissance qui ne peut être clivée de l’image de Dieu. Aujourd’hui, sa recrudescence inquiète, dans sa forme moderne, liée à l’abstraction et à l’imaginaire d’une toute-puissance entretenue par les perfectionnements techniques considérables auxquels nous avons assisté depuis quelques décennies. En effet, la multiplication des irrespects de tous ordres, l’expansion des procédés pervers qui sont la nouvelle peste, l’efflorescence et l’extraordinaire multiplication des procédés manipulateurs et la réapparition en force des concepts paranoïaques comme celui de droit du sol montrent jusqu’à la nausée que la lutte du Bien et du Mal est dans une phase critique. »

Cette phrase clef termine l’ouvrage : « Il est urgent de réaliser la rencontre des âmes qui prélude au mariage sacré. »

Plusieurs modes de lecture
Cet ouvrage offre plusieurs modes de lecture, les différents chapitres peuvent être abordés directement, selon l’intérêt de chacun. Ce livre s’accompagne de solides bases théoriques, accessibles à tous les thérapeutes (pas seulement jungiens !), mais également à tous ceux qui sont concernés par le sujet. Plusieurs schémas (dont certains repris de Pierre Solié), et des tableaux, aident à la compréhension des mécanismes sous jacents aux troubles de l’identité.

La mythologie occupe une place de choix. L’auteur établit un lien entre le contenu de certains mythes et les situations vécues aujourd’hui dans les couples, les familles ou les organisations petites ou grandes. Les archétypes, véritables moteur de l’humain, sont décrits, ils apparaissent en filigrane de tous les développements. Les contes ne sont pas oubliés, en particulier ceux en relation avec le thème traité.

Préface de Michel Cazenave, éditions de boeck , 460 pages.

La Perversion ordinaire – Vivre ensemble sans autrui

Mèreversion et néo-sujet

Denoël 2007, 436 pages
Source : Parutions.com

Dans son nouvel ouvrage, Jean-Pierre Lebrun, psychiatre et psychanalyste, ancien président de l’Association freudienne internationale, auteur de nombreux ouvrages, dont Un monde sans limite et L’Homme sans gravité en collaboration avec Charles Melman, s’interroge sur les changements qui, en quelques années aussi bien dans le droit, la médecine, l’éducation, la culture, l’économie, la sexualité, ont émergé dans la société occidentale. Certains philosophes, romanciers, essayistes, ou psychanalystes n’ont pas manqué de les relever. Citons pêle-mêle On achève bien les hommes et L’Art de réduire les têtes de Dany-Robert Dufour, L’Enseignement de l’ignorance et Impasse Adam Smith de Jean-Claude Michéa, L’Homme économique de Christian Laval, sans oublier les essais drolatiques de Philippe Muray (L’Empire du bien, Exorcismes spirituels). D’autres ont exulté à leur apparition, pensant que la société postmoderne était en bonne santé physique et mentale. D’autres s’en inquiètent comme Jean-Pierre Lebrun. Qu’en est-il ?

La Perversion ordinaire débute par une introduction consacrée à la crise de la légitimité qui caractérise la société actuelle. La suite contient deux parties : une première, comprenant quatre chapitres, aborde le volet sociétal de la question, autrement dit la description et l’analyse des changements qui ont conduit à une véritable mutation du lien social ; une seconde, recouvrant quatre autres chapitres, décrit les effets de ces changements sur la subjectivité. Un chapitre central met en évidence la place stratégique de l’éducation, lieu par excellence où se nouent lien social et subjectivité. La conclusion évoque la nouvelle responsabilité du sujet dans cette société postmoderne.

Voilà en tout cas un livre qui devrait apporter quelques lumières aux personnes en plein désarroi, un livre qui fait donc sens. Pour cela, Jean-Pierre Lebrun revient aux bases de l’humanisation. Tentons de le résumer pour en comprendre l’importance car le livre explique quelques notions de base en psychologie.

Pour être homme, pour accéder au langage, il faut perdre notre rapport immédiat et animal au monde et aux objets, renoncer à la toute-puissance infantile, faire le deuil de cette soustraction de jouissance, de ce moindre-jouir (à ne pas confondre avec l’acception usuelle de « plaisir que l’on goûte pleinement »). Parler signifie donc que je consens au vide, à la perte, à la négativité, nous dit Lebrun. C’est ce que les psychanalystes appellent la «castration». Tout sujet doit effectuer cette subjectivation pour soutenir la division entre jouissance et désir. La différence entre les deux est simple : par exemple, boire un vin peut être qualifié de plaisir mais l’alcoolisme emporte le sujet vers une jouissance mortifère. Le plaisir suppose l’intégration d’une limite, contrairement à la jouissance qui n’en suppose aucune. L’enfant, à ce stade, est d’abord ce que ses parents disent de lui. Puis en commençant à parler, en répétant les mots qu’il entend, il endosse ce qui est dit autour de lui et ce qui est dit de lui. Puis vient le stade du Non ! C’est à partir de sa propre position subjective qu’il soutiendra sa parole. En se réappropriant cette négativité, le sujet habituel trace sa propre voie. Il n’y arrive qu’après s’être autorisé à faire objection à l’Autre.

S’il en va un peu autrement de nos jours comme on va le voir, le social était auparavant organisé entre autres sur le modèle religieux. On reconnaissait l’existence d’une transcendance comme celle du roi, du chef, du père, du maître, du professeur… Vaille que vaille, ce moment reprenait la transmission du moins-de-jouir à une société construite autour de la place prévalente du père. Si cette dernière était critiquable, il n’était pas nécessaire de se débarrasser au passage de toute hiérarchie. De plus, cela n’abolit pas pour autant la différence des places prescrite par la structure du langage. Ce système ayant été ébranlé, tout se passe comme si nous nous étions affranchis non seulement de la nécessité d’avoir affaire à une transcendance concrète, mais de l’intérêt de conserver un quelconque transcendantal (extériorité). Or, pour se libérer des figures de l’autorité, il faut qu’on dispose d’un psychisme d’adulte. L’enfant n’est pas capable de se séparer d’une telle figure s’il ne l’a pas rencontrée auparavant. Il arrive toujours dans un monde déjà là avant lui et de ce fait sa dépendance initiale est inéluctable.

A la verticalité, au transcendant, à la vérité, on a opposé l’horizontalité, l’immanent, l’aléatoire : le relatif excessif. C’est toute la vie collective qui, de ce fait, a basculé. Elle ne se soutient plus d’un ordre préétabli qui transmet des règles, mais d’un «ordre» qui doit émerger des partenaires eux-mêmes. Comment concilier tous les avis différents ? Tout cela est-il même compatible avec l’idée même d’éducation ? Comment un enseignant peut-il faire cours s’il ne dispose plus des conditions minimales pour assurer son enseignement ? Dans un tel régime, l’autofondation et l’individualisme sont prévalents. C’est ce monde sans limites qui est actuellement promu, un monde où toute autorité (dieu, père, professeur, etc.) est battue en brèche car elle limite la toute puissance infantile et prétend se passer du manque fondateur. «Nous pensons, quant à nous, qu’une telle économie subjective a effectivement toujours existé, mais que c’est sa prévalence et donc sa banalisation qui représentent aujourd’hui une essentielle nouveauté. Car à partir du moment où une telle économie devient dominante, cela vient bouleverser radicalement notre façon d’être au monde. Ce changement nous oblige à réviser toute notre conception de la normalité», écrit Lebrun. Et il emploie le terme de néo-sujet, reprenant aussi la formule de Charles Melman, «nouvelle économie psychique», pour désigner le régime sur lequel vit le néo-sujet.

Pour Lebrun, nous passons d’un système consistant et incomplet (hiérarchique et prenant en compte le manque fondateur) à un système complet et inconsistant (sans place pour la négativité). Renversement radical. C’est à une mutation du lien social qu’on assiste, mutation provoquée par la conjonction de trois forces : le discours de la science, la dérive de la démocratie en démocratisme et le développement du libéralisme économique débridé. Un changement qui entraîne l’éviction de ce qui installait une possibilité d’articulation entre le tous et le singulier. Mais aussi entre ce que l’on consent à perdre pour le tous et ce que l’on soutient de sa singularité. Car c’est en reconnaissant l’existence de cette articulation que l’on peut à la fois et en même temps être membre d’un groupe social et pouvoir être reconnu dans ce que l’on a de singulier. Nous avons affaire à des individus devenus adultes sans avoir été obligés de quitter l’enfance et sans même le savoir. C’est l’enfant généralisé. Faire de l’enfant un roi ou le traiter comme un adulte, c’est l’empêcher de devenir responsable. Pour la première fois dans l’Histoire, la famille protège ses enfants de la société !

Pour Lebrun, dans cet «ordre», le symbolique ne peut plus appréhender le réel, un réel devenu source d’injustice, comme un traumatisme qu’il faut réparer de toute urgence. Les répercutions sont nombreuses comme l’abolition de toute différence, y compris la différence générationnelle, mais aussi la phobie scolaire, les procès en tous genres, l’homoparentalité puisqu’il s’agit non seulement de tout égaliser mais d’accepter les revendications égotistes pour que chacun accède à sa toute-jouissance. L’inégalité était une donne de départ, comme allant de soi, donne qu’il fallait transformer. Nos démocraties posent d’emblée l’universalité du principe d’égalité. C’est ce que Lebrun appelle le démocratisme, conception de la démocratie qui fait l’impasse sur la reconnaissance de la perte, de la soustraction de jouissance et où chacun peut faire ce qu’il veut.

Sommes-nous en train de devenir pervers, se demande alors Jean-Pierre Lebrun ? Question cruciale que pose le livre. Pas structurellement, dit-il. «Ce n’est pas parce que des sujets participent à une économie perverse qu’ils sont eux-mêmes pervers, au sens où ils relèveraient de la structure perverse.» Il invente un mot, celui de mèreversion pour caractériser cette perversion ordinaire. Le tableau clinique du néo-sujet est celui d’un sujet resté enfant de la mère. Expliquons un peu.

En règle générale, l’enfant est en rapport avec la mère, celle-ci étant son premier autre («autre même»), la première personne qui occupe pour lui la scène de l’Autre. C’est dans un deuxième temps que vient le rapport au père (un «autre autre»). Il faut en passer par cet «autre autre» pour poser correctement l’altérité, car il ne suffit pas d’avoir eu affaire à la mère pour vraiment prendre la mesure de ce qu’est l’autre. C’est en cela que ce passage d’un premier autre à un second est le marchepied incontournable pour accéder à la vie en société. Sans cela, le sujet se retrouve à démentir à la soustraction de jouissance, et à s’enfermer dans la croyance qu’il y a moyen de ne pas se servir de l’instance paternelle (donc de l’autorité). En restant seulement enfant de sa mère, le néo-sujet pratique le démenti pour éviter la subjectivation ; le vrai pervers, lui, fait du démenti son mode même de subjectivation, lequel lui permet d’annihiler l’altérité de l’autre en l’instrumentant. Cependant, le néo-sujet et le pervers ont en commun d’importantes proximités de fonctionnement, nous dit Lebrun. Nous avons bien affaire avec le démenti chez les néo-sujets à un mécanisme pervers dans la mesure où il agit dans la perversion, mais sans pour autant que ne se soit structurée nécessairement une perversion chez le sujet qui l’utilise. Du côté de la perversion, une structure, du côté du néo-sujet, un évitement, voire un refus de structuration. Tout se passe comme si le double discours actuel du social, proposant de jouir sans entrave tout en sachant en même temps que la limite à la jouissance est toujours nécessaire, invitait le sujet à soutenir le maintien de deux possibilités contradictoires face à une perception. Nous n’avons pas affaire à un Nom-du-Père forclos (entraînant la psychose), ni à un père faible (hystérie), ni non plus à un père auquel la mère fait la loi (perversion stricte) mais plutôt en ce temps de perversion ordinaire, à un père repoussé dans les marges, toujours bel et bien là mais inopérant, désavoué, comme sans voix.

Et l’on comprend mieux avec ce livre ce qui se passe tous les jours autour de nous. Le néo-sujet, faute d’un ancrage dans la négativité, est comme sans domicile fixe, en errance, nomade ouvert à tous vents, sans habitudes ni épaisseur, prêt à saisir quand il le peut l’opportunité qui se présente. Son caractère est imprévisible, sans orientation bien définie. Il se sentira comme invertébré, flexible, sans capacité critique, absorbant ce qui l’entoure comme une éponge et d’une plasticité ouverte à toutes les manipulations. Une invitation à ne plus se confronter aux avatars du désir et à préférer l’engluement dans la jouissance mortifère (intériorisation du néo-libéralisme économique, selon Marcel Gauchet) Toute une pathologie en découle, y compris de tirer à vue dans une rue à force d’avoir été désubjectivisé ou d’avoir recours sans arrêt à l’Etat pour résoudre son mal être…

Dans ce nouveau régime qui prône la toute jouissance, les sujets ignorent que ce qu’ils privilégient, c’est un mode de jouir où le lien à l’objet n’est plus médiatisé par le signifiant, le langage. L’objet devient l’organisateur de la jouissance. Faute d’avoir fait le travail de séparation que permet le langage, c’est alors l’addiction qui est au programme. Ce «besoin» d’être dans l’excès sert une logique de la sensation qui prévaut sur celle de la représentation. On comprend pourquoi le néo-libéralisme y trouve son compte. Lebrun emploie un néologisme pour caractériser ce phénomène, l’entousement, terme voulant dire pris dans la masse, pris dans le tous, grégarisés. À cet égard, il est faux de dire que nous vivons dans une société individualiste mais plutôt dans une société-troupeau, poussant l’individu à éviter sa division subjective, à troquer son trajet de subjectivation contre une appartenance à la masse : une individuation plutôt qu’une individualisation.

Ce livre dense et simple, même s’il demande une lecture soutenue à laquelle on parvient aisément, est ainsi à mettre entre toutes les mains pour commencer à saisir les mutations du monde contemporain.

Yannick Rolandeau